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la petite fille du silence

La petite fille du silence.

 

Elle a quatre ans et demi, elle s'est  assise au fond de  son petit fauteuil d'osier, les mains vides, sans un jouet qui puisse  lui tenir compagnie. Elle n'a besoin de rien.

 Elle ne sait pas encore ce qui l'habite, elle ne se pose même pas la question d'un pourquoi, elle entre dans son imaginaire tout naturellement et il lui parle.

 

 Elle se raconte des histoires où elle se met en scène, elle ou une autre qui lui ressemble, avec des robes roses et des rubans d'organdi dans les cheveux.   L'adulte qu'elle est devenue en  a oublié la trame mais retient, épars, quelques détails : parfois un petit garçon sort encore du fond de sa mémoire et il porte une pince qui retient ses cheveux ! Que font –ils ? Peut être vont-ils au jardin public ou à la messe ainsi endimanchés,  issus de ce  monde  étriqué  aux ombres diffuses que connaît l'enfant ?

 

-Pourquoi restes –tu là sans rien faire ? Pourquoi ne vas –tu pas jouer ?

C'est toujours comme ça que ça se termine ! L'enfant voit le regard étonné, vaguement inquiet de sa grand-mère, un tantinet irrité aussi, alors elle se retire d'elle-même, au plus vite, comme prise en faute !

Elle ignore le nom de cette faute qui vient de l'abstraire au monde de la réalité et n'a pas les mots pour expliquer que le rêve est sa seconde nature. Elle devine très vite qu'il lui faudra apprendre à cacher ses incursions dans cette autre vie, à les réserver à la nuit  quand le ronflement de sa grand-mère devient de plus en plus audible, ou peut être,  à la rigueur, à leur choisir des endroits secrets où ils puissent s'exprimer en toute impunité ?

 

Mais  le temps, peu à peu, va la  rendre plus astucieuse et elle va apprendre à composer avec ses deux mondes,  l'avouable et l'inavouable !

 Elle se trouve des cachettes, au fond du jardin, où elle feint de jouer en y emmenant  des jouets bien concrets qu'elle expose aux regards indiscrets et qui ne sont là qu'accessoirement, pour dissimuler son entrée dans les jeux de l'imaginaire !

Plus tard encore elle saura passer de l'un à l'autre avec habileté !

 

 Elle ne joue plus seule à la marelle mais d'invisibles amies lui tiennent compagnie. Chaque palet qu'elle pousse au bout de sa chaussure  a un nom, peut être même un visage, assurément une personnalité ! Elle demeure encore très manichéenne et associe aux palets défectueux des amies dénuées de toutes qualités ! Un des palets est le sien : c'est un  morceau de carrelage qu'elle a trouvé au fond du jardin et qu'elle affectionne particulièrement car il glisse bien !

Elle tente de lui faire gagner la partie ! Et redouble d'effort lorsqu'elle joue avec lui !

Sa jupe légère vole au vent, elle est si souple alors, elle pourrait pousser mille palets sans jamais se lasser ! Inventer mille histoires sans jamais se lasser.

 

Pourquoi y pense –t- elle encore ?

 Elle est si loin la petite fille en jupe plissée qui taisait ses rêves  mais elle renaît parfois  la nuit quand la lune vient la chercher.

 

@clorinda

 



20/10/2010
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