L'avare qui en eut pour son argent...
L'avare qui en eut pour son argent.
Voulant acheter un poulain
A la foire du bourg voisin,
Au soir tombé, se préparait.
Avant de quitter le logis
Il fit venir sa femme et dit :
« Ma mie, il vous faut tout fermer,
Et la grange et aussi le cellier.
Qui pourraient à mon vin boire,
Voler ma paille sans façon,
Tenez clos aussi le fumoir. »
« Oui, mais si un pauvre frappait
Dit la dame qui bonne était,
Que faudrait il donc que je fasse
Je ne puis le laisser dans la glace ! »
« Peu me chaut vilains et manants
Ce ne sont que des mécréants
Frappez les donc de ma rapière »
Dit le marchand presque en colère.
Une fois son époux parti,
Notre dame se mit au lit.
Quand aux alentours de minuit
Elle entendit un curieux bruit.
« Ce n'est point le pas d'un pauvre hère,
Il serait beaucoup plus léger,
Celui qui vient n'a point misère
Mais la panse comme un goret !
Obéir, très bien j'y consens !
Si pour une sotte il me prend,
Moi aussi je le prends au mot ! »
Saisissant un gourdin, la barre
Elle tira sans bruit, ouvrit l'huis.
.Sur la tête de ce richard,
Elle frappa sans aucun répit !
Le marchand, comme on a compris,
Tant et tant de coups il a pris
Qu'il ne peut onc de tout son or
Profiter. Souffrant il est lors !
Il parait qu'il a perdu raison
Et que sa dame peut à foison
Ouvrir sa cave et son logis
Pour les pauvres… même son lit !
@clorinda.